Willow Smith, défilé Chanel – 8 mars 2016

 

Winston Churchill en siren suit. Le siren suit est l’uniforme militaire britannique utilisé lors des raids aériens de la seconde guerre mondiale.

Affiche de propagande américaine devenue aujourd’hui un symbole de la lutte féministe. Ici, J. Howard Miller représente une femme en combinaison aviateur. 1943

Combinaison, j'écris ton nom

Il y a quelques jours, j’ai croisé ce jeune homme au détour d’un couloir. Il portait une combinaison blanche, manches et jambes longues, qui lui dessinait une attitude quasi Jean-Paul Gaultier.

J’en étais fascinée.

Puis, je me suis rappelée toutes les fois où mes amis m’ont dit “Tu as encore sorti ton bleu de travail ?” en me voyant arriver en combinaison aviateur bleu marine.

Bien que tout le monde ne s’accorde pas sur ce point, je dirais que la combinaison est le vêtement de l’élégance. Un one piece, uni, simple, un seul vêtement pour habiller ces corps qui grouillent en ville. La combinaison est l’uniforme par excellence et n’offre à voir que la délicatesse de celui qui l’enfile.

Mais d’où viens-tu, qui es-tu, toi, tenue de l’inconnu ?

La combinaison a d’abord été le vêtement du pratique, de l’utile, du nécessaire. Mes amis n’étaient pas si loin, le bleu de travail est l’ancêtre de la combinaison actuelle.

Moins sexy que celle de Willow Smith au défilé Chanel, la combinaison d’avant-Guerre était nonchalante, inexistante, présente uniquement par sa fonction. Elle représentait le non-vêtement, le costume que l’on quitte une fois la journée terminée.

Destinée d’abord aux hommes, aux travailleurs, puis aux soldats des raids anglais, la combinaison s’est féminisée lors de la Seconde Guerre mondiale. Les femmes envoyées dans les usines ont dû, elles aussi, enfiler cette fameuse tenue tout-en-un. Dès lors, les hommes ont délaissé le port de la combinaison pour en laisser la quasi exclusivité aux femmes. La combinaison devient alors un signe d’émancipation.

C’est Elsa Schiaparelli qui rendra la combi sexy vers la fin des années 1960.

La combinaison n’est plus un habit utile, enveloppant le corps de la femme dans le but de le protéger. Avec Elsa Schiaparelli, la combinaison envoûte. En tissu élastique, la combinaison vient mouler les formes féminines enfin autorisées à se dévoiler. La combinaison est révélatrice, provocante, libératrice.

Peu à peu, les créateurs s’en emparent. Yves Saint Laurent, Rudi Gernreich ou encore Norma Kamali copient les combinaisons des astronautes de la NASA.

La combinaison est alors entrée dans le cycle éternel de la mode.

 

Elle va alors devenir polymorphe en fonction des époques. Dans les années 70, elle renouera avec son essence “bleu de travail” pour cacher les formes, freiner l‘hyper sexualisation de la femme, elle deviendra même un emblème du féminisme. La combinaison est alors un signe politique.

Chacun va donc l’interpréter pour lui offrir un nouveau sens à chaque époque – le propre du vêtement.

Désormais, la combinaison a rejoint la section “robes” de nos sites de e-shopping. Elle peut être à mi-chemin entre le short et la jupe, la petite robe noire et la robe longue. Il existe autant de combinaisons qu’il existe de styles, mais une chose est sûre, la combinaison est devenue le costume élégant et enveloppant que le tailleur a été, lorsque la femme s’en était emparé.

Aujourd’hui, la combinaison est quasi exclusivement féminine. Cependant, nous voyons fleurir, ici et là, quelques audacieux dans nos rues. La combinaison serait-elle en train de retranscrire la question du genre dans notre société ? Nous pouvons imaginer que la combinaison, d’abord portée strictement par les hommes, puis uniquement par les femmes, est en train de devenir l’uniforme unisexe. Notre société tend à réduire la question du fossé entre les deux sexes au profit d’une interprétation de l’identité plus personnelle, introspective. La combinaison semble devenir alors pour l’homme et la femme un moyen d’exprimer une opinion sur la question de genre par la proposition d’une allure androgyne.

Le genre est moins fort, presque nié. Que ce soit sur les podiums ou dans la rue, les hommes tendent de plus en plus vers une nouvelle forme d’androgynie. La femme non sexualisée, longtemps appelée “la garçonne“, laisse aujourd’hui un espace à l’homme qui peut s’attribuer des codes jusqu’alors féminins. La combinaison correspond pour l’homme ce qu’elle a signifié un moment pour la femme : un signe d’émancipation face aux dictats sociaux imposés. La silhouette non genrée est sur le devant de la scène et la combinaison en est son étendard : UNIforme, UNIque, UNIsexe.

Si aujourd’hui la femme a le choix d’enfiler une jupe ou un pantalon, l’homme est dans une position bien plus délicate face aux jugements sociétaux. Ainsi, la combinaison semble être un entre-deux, une transition douce vers une silhouette non genrée.

Affaire à suivre.

Le Dehors.