Angèle dans le clip de Balance ton quoi
Virginie Viard
Oh Angèle.
C’est sur Instagram que j’ai découvert ce visuel de la dernière campagne Eyewear de Chanel. Pour les non-initiés qui me lisent ici, Eyewear est simplement le terme qui définit les sections lunettes de soleil des Maisons de Haute Couture. Ce point est important car il signifie qu’Angèle n’est pas une égérie de la marque Chanel mais un des visages parmi plusieurs (Isabelle Adjani, Pharrel Williams, Margaret Qualley ou encore Sébastien Tellier), choisis pour mettre en lumière les derniers accessoires solaires de la marque. Cependant, ce point ne vient pas atténuer la symbolique de cette présence mais bien la renforcer : Angèle est présente, elle n’est pas en toile de fond, c’est son engagement qui vient donner du sens à la campagne.
La présence d’Angèle sous l’objectif de Karim Sadli peut potentiellement signer le début d’une nouvelle ère. Pourquoi ?
Angèle est une jeune Belge de 24 ans qui chante les engagements d’une génération alerte. Son titre Ma reine retrace le parcours de deux femmes s’aimant d’un amour nouveau sur la scène pop française. Angèle chante l’homosexualité, si peu représentée.
Mais c’est son titre Balance ton quoi en référence au mouvement “Balance ton porc” qui sera clamé haut et fort dans les manifestations féministes. Ses paroles sont reprises et deviennent un réel hymne pro-égalitaire lors de la manifestation du 23 novembre 2019 organisée par Nous Toutes. Ces élans citoyens ont fait d’Angèle un exemple pour celles qui prônent la parité.
Alors Angèle chez Chanel, qu’est-ce que ça veut dire ?
Chanel est une Maison de Haute Couture française confortablement installée dans le paysage traditionnel de notre pays. Parfois jugée classique, la marque est néanmoins un pilier de la mode française.
En choisissant de mettre au premier plan une femme comme Angèle, la marque se positionne. Chanel jette son dévolu sur cette artiste engagée et montre au public qu’elle cautionne les engagements de la communauté rassemblée autour de la chanteuse.
Nous voilà donc dans une nouvelle ère, l’ère dans laquelle les Maisons prennent la parole. Bien qu’indirectement, Chanel soutient et donne de la visibilité aux causes actuelles qui collent à la peau de son nouveau mannequin.
On ne peut pas non plus ignorer la présence quasi systématique de la marque Chanel dans le vestiaire de Clara Luciani, chanteuse du célèbre refrain “prends garde, sous mon sein la grenade”, également entonné lors de diverses manifestations féministes. La chanteuse trône également sur les front row du Grand Palais, épicentre des défilés de la marque aux deux C.
Et Chanel va plus loin.
Lors du défilé prêt-à-porter du 3 mars 2020, la Maison confesse s’être inspirée du film de Chabrol sorti en 1968, Les Biches, où une bourgeoise parisienne tombe amoureuse d’une jeune bohème. Les mannequins défilent alors par deux, par trois – un autre amour existe.
Ainsi, Chanel , de manière détournée mais pourtant allusive, donne un nouveau souffle à la Maison de Luxe. Chanel s’associe aux combats soutenus par une génération éveillée.
Si Mademoiselle Chanel a vécu comme une femme libre, indépendante et engagée au vingtième siècle, Virginie Viard – directrice artistique de la Maison- fait renaître aujourd’hui les valeurs de la Maison et soutient la femme dans son émancipation.
La marque serait donc possiblement en train de redevenir le symbole de ce qui a fait son essence, l’emblème de la libération de la voix et du corps de celle qui se sont tues.
Alors Angèle pour Chanel, éminemment actuel.